J’ai conservé le souvenir d’une réflexion un rien désabusée de l’écrivain italien Cesare Pavese dans son livre posthume Le métier de vivre :
« Ton malheur particulier – qui est celui de tous les poètes – réside en ceci que, par vocation, tu ne peux avoir qu’un public, et qu’au lieu de cela tu cherches des âmes sœurs. »
Ce à quoi François Bégaudeau ajoute afin de re-proportionner la perspective du public :
« Peu de lecteurs est la norme. Mais si ce peu ne s’incarne jamais dans l’exercice d’une fraternité textuelle, il ne dissemble plus du néant.
J’appelle mineur le choix du peu consistant. Du peu qui consiste.
Je n’écris pas pour des lecteurs, j’ai besoin de quelques lecteurs pour faire consister l’écrit. De quelques amis. Je les ai. Ils sont tendres, ils suffisent à une vie. Le mineur n’attriste qu’à l’aune majoritaire, qui ne mesure que du vent. Le mineur n’est invivable que s’il est un dépit. Joyeusement cultivé, désiré à l’exclusion de tout autre périmètre vital, le mineur est le seul lopin habitable. » (La politesse, Paris, Editions Verticales, 2015, p. 193-194)
Les lopins de terre, André Bucher les connaît, lui qui partage son existence entre l’agriculture et l’écriture. Il prête cette réflexion au personnage principal de l’un de ses romans :
« Il pensait souvent que malgré cette époque de jeunisme un peu pathétique, toute cette avidité, ce besoin effréné de célébrité ou de reconnaissance, il était encore possible d’accomplir de belles choses à l’écart et dans le silence, sans toutefois en tirer gloire. »
(Déneiger le ciel, Paris, Sabine Wespieser Editeur, collection SW Poche, 2015, p. 15)
Photographie : Sylvain Maresca
Si vraie la phrase de Pavese, Si réconfortant le texte de Begaudeau,
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