Ils se suivent l’un l’autre : tandis que la femme tracte deux volumineuses valises à roulettes, quelques pas devant, l’homme porte deux gros sacs en plastique rebondis, encombrants sinon lourds. La rue est en pente. Ils progressent en silence.
Peu à peu, il se déporte sur la piste cyclable, sans raison apparente. Elle suit sur le trottoir, le regard rivé au sol.
Derrière eux se profile une cycliste : vélo électrique, casque profilé, le port droit, le regard lointain.
La femme, qui l’aperçoit en premier, avertit son mari d’un « Attention ! » sonore. Il se retourne et ce faisant, encombre plus encore la piste. Il ne comprend pas de quoi elle a voulu l’avertir, car il tourne le dos à la cycliste qui lui fond dessus et l’évite en lui jetant un reproche peu audible, mais sans ambiguïté : elle s’affirme dans son bon droit.
Aussitôt, un cri retentit dans la rue, un véritable rugissement sorti du gosier de la femme aux valises qui s’est arrêtée et qui, sans attendre, écarlate et massive, lance à la cycliste déjà loin : « La ferme, morue ! »
Son homme ajoute son propre commentaire, plus marmonné que crié. Puis le couple reprend sa route, les traits crispés, le regard foudroyant. Gare à qui se risquera en travers de leur chemin.
À la question d’Aragon : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », ne faudrait-il pas répondre aujourd’hui : « Et leurs injures au loin les suivent » ?
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, chanté par Léo Ferré.
et nous entendons bien peu tout ce qui se dit au sein des voitures ….
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Merci pour Léo Ferré. Toujours le même frisson. Laurent
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