
« Autrefois, personne ne fermait jamais les portes à clé dans toute la ville de Tchoudov. Quand quelqu’un se construisait une maison (…), après la bénédiction de son logis, il remettait la clé à l’église pour l’éternité. De part et d’autre de l’autel étaient accrochées des clés forgées en 1584, avec des dates et des noms gravés qui appartenaient à des familles portant aujourd’hui encore ces noms mentionnés pour la première fois dans des registres paroissiaux de l’époque d’Ivan le Terrible. Il y avait une multitude de clés toutes neuves, étincelantes, et encore davantage de clés noircies par le temps suspendues à des clous dont le mur était criblé depuis le sol jusqu’au plafond ‘Le diable ne se laisse pas arrêter par nos serrures ! disait le prêtre Dmitri Okhotnikov. Et le Seigneur, lui, ne se laisse pas arrêter par le diable !’ »
(Iouri Bouïda, La mouette au sang bleu, Paris, Gallimard, 2015, pp. 48-49 – traduit du russe par Sophie Benech).