Le vent dans les feuilles

Photo : Sylvain Maresca

La fenêtre de la chambre est grande ouverte malgré la fraîcheur de ce début d’octobre. Louise respire à pleins poumons l’air soulevé par le grand vent qui brasse les arbres.

– Maman, ferme cette fenêtre, je te l’ai déjà demandé. On vient de rallumer les radiateurs, ce n’est pas pour chauffer les peupliers du parc. Lire la suite « Le vent dans les feuilles »

Bourrasque

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Des feuilles d’érable rouge cuivré sont fouettées par le vent qui ne parvient pas encore à les décrocher en ce début d’automne. Mais il a tout son temps, il sait qu’il y parviendra sinon aujourd’hui, du moins demain, la semaine prochaine, plus tard peut-être. Le vent est certain d’avoir raison de leur folie chromatique. Comment pourrait-il comprendre une telle luxuriance, le vent incolore, lui qui n’atteint la teinte des choses qu’en les soulevant pour les emporter dans les airs ? Le vent s’insurge de n’avoir aucune matière, d’en être réduit à combler les vides, à circuler de pressions en pressions, comme un silence dans la musique, sans cesse chassé par les notes. Enlèverait-il toutes les feuilles des arbres de l’automne que le vent n’en gagnerait aucune couleur. Comment s’étonner, dans ces conditions, qu’il déclenche des tempêtes et précipite ces éclats lumineux dans la boue la plus sale où ils pourriront tous, quels soient leurs atours crépusculaires ? Un peu lâche et dépité, le vent reprendra sa course sans fin de branche en branche, de bois en bois, sans admettre qu’il les a dépouillés et qu’il lui faudra attendre de longs mois – c’est sa pénitence – avant de voir resurgir les feuilles dans lesquelles il se plaît tant à jouer lorsque la douceur du printemps l’incline davantage aux caresses qu’aux emportements de l’automne.

Photographie : Sylvain Maresca