
La chaleur couve les murs de la maison. Des coups de poing de lumière frappent les volets de la fenêtre. Une mouche qui s’échine à s’échapper dans les rais de lumière agite la poussière ambiante. Le calme de la sieste est trompeur : tout semble assoupi alors que rien ni personne ne dort. Le parquet craque sous les pieds usés du lit, une armée invisible le ronge du dessous. Des crissements dans la paille du matelas répercutent cette agitation vorace, dévastatrice, qui, tôt ou tard, réduira les meubles en poussière.
L’heure est à l’abandon, les forces sont alanguies, mais le sommeil se refuse. Les yeux fermés sous les paupières teintées de sang, on perçoit plus nettement encore l’usure à l’œuvre, l’acharnement des mandibules qui rongent la demeure. Une punaise gris-vert escalade l’édredon qui rend sa bourre en plusieurs endroits. Des formes étranges s’ébauchent au gré de l’ondulation des rideaux. La fissure du mur lézarde à travers le papier peint piqueté d’humidité. Les verticales se tordent. En son milieu le plafond semble tiré vers le bas par le poids du lustre drapé de toiles d’araignée.
Sur le dessus de l’armoire, une photo émerge d’un carton entrouvert, dévoilant les yeux d’un personnage cerné de noir, des yeux insistants qui surveillent la vacuité de la pièce sans rien perdre de ce qui l’agite. Regard hypnotique bien que lointain, chargé d’un passé inconnu. Il faudrait refermer ce carton, mais comment faire ? La chaleur décourage toute velléité. Fermer les yeux non plus ne sert à rien : ce regard s’est infiltré et nous épie de l’intérieur.