Komorebi

« Komorebi : ce mot japonais désigne la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres.
Ici, c’est cette lumière intérieure qui traverse les fêlures : car c’est aux frontières de l’art que l’on trouve parmi les plus belles représentations de mondes intérieurs. »
(Extrait de la présentation de l’exposition au Lieu Unique de Nantes)

La poésie de ce mot japonais m’enchante : elle va puiser dans les délices de la nature une métaphore pour évoquer les replis les plus obscurs de l’esprit humain. En assimilant les dessins, peintures, modelages et autres compositions réalisés par des personnes atteintes de troubles psychiques à des rayons de lumière solaire filtrés, c’est-à-dire à la fois libérés et entravés par le feuillage, ce terme suppose que ces artistes marginaux sont habités par un soleil intérieur, sa lumière irradiante, peut-être même aveuglante, mais si fragile qu’elle risque à tout moment d’être masquée. Fascination pour ces êtres hors du commun, en prise, qui sait, avec une autre dimension du monde, une source d’inspiration qu’ils seraient les seuls à connaître. Étonnement, déconvenue, voire rejet, face à ce rayonnement erratique, menacé à tout moment de s’éteindre.

Avec ce mot pétri de poésie, nous sommes loin de l' »art brut », cette expression condescendante forgée par des artistes occidentaux suffisamment assurés de leur talent et de leur reconnaissance pour en accorder un peu à quelques « malades mentaux » capables de jeter sur le papier ou la toile des fulgurances visuelles à rendre l’art jaloux. Comme le diamant, l’art brut attendrait son joaillier pour atteindre à sa perfection, ignorant qu’il serait de sa propre richesse. Cet intitulé qui a fait école en Europe retire d’une main ce qu’il accorde de l’autre.

Rien de tel dans le vocabulaire japonais : komorebi respire une sorte de paix qui, comme toute paix, se sait fugace, exposée au moindre sursaut du vent qui ne cesse de manœuvrer dans les frondaisons ; la nostalgie peut-être d’un état qui ne distinguerait pas la normalité de la folie, qui rêverait encore de leur improbable fusion, celle que l’art recherche inlassablement.

Une réflexion sur “Komorebi

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