
La fenêtre de la chambre est grande ouverte malgré la fraîcheur de ce début d’octobre. Louise respire à pleins poumons l’air soulevé par le grand vent qui brasse les arbres.
– Maman, ferme cette fenêtre, je te l’ai déjà demandé. On vient de rallumer les radiateurs, ce n’est pas pour chauffer les peupliers du parc.
– Juste encore un peu, supplie la vieille dame sans se retourner. J’aime trop écouter le vent dans les feuilles. Il me semble qu’elles se parlent, qu’elles bavardent comme le feraient des voisines de palier.
– Il fait froid ce matin. La neige ne va pas tarder. Alors ferme cette fenêtre et ne m’oblige pas à le répéter.
Louise hausse les épaules.
– D’ailleurs, poursuit sa fille, d’un jour à l’autre les feuilles vont tomber et c’en sera fini de leur prétendu conciliabule.
– Justement, elles sont peut-être en train de se dire adieu. Elles prennent congé d’une branche à l’autre. Le vent est leur concierge : il passe leur donner ses dernières consignes pour le grand voyage.
– Tu parles d’un grand voyage ! Elles vont tout bonnement tomber par terre, pas plus loin que le pied de l’arbre, et pourrir en silence.
– Sauf qu’elles ne le savent pas. Le vent leur insuffle une envie d’envolée, de saut dans l’inconnu. Elles rêvent toutes d’atteindre l’horizon et même de le dépasser. Le vent les portera, les emportera.
– Ferme cette fenêtre, ça fait courant d’air. Tu n’entends pas les portes qui claquent ?
– Peut-être que les portes elles aussi rêvent de…
– Ça suffit maintenant ! A écouter ton délire, on en viendrait presque à croire que le vent pourrait soulever la maison et la propulser dans les airs.
– Pourquoi pas ? Il suffit de savoir écouter le souffle des choses.
Bousculant Louise sans ménagement, sa fille ferme la fenêtre brusquement. Dans le silence qui s’ensuit, on entend le parquet qui craque…
Superbe histoire….et conflit des générations….
A bientôt
Bises très enrhumées d’Annick
J’aimeJ’aime