« On ne quitte pas l’enfance, on la serre au fond de soi. On ne s’en détache pas, on la refoule. Ce n’est pas un processus d’amélioration qui achemine vers l’adulte, mais la lente sédimentation d’une croûte autour d’un état sensible qui posera toujours le principe de ce que l’on est. »
Patrick Chamoiseau, Antan d’enfance, Paris, Hatier, 1990, p. 78.
On ne quitte pas l’enfance… Elle me paraît pourtant si loin et surtout si terne et grise, comme un long tunnel dont je n’apercevais pas l’issue. J’envie les gens qui parlent de leur enfance avec des yeux éblouis, les ravis de l’enfance, ceux-là mêmes dont on dit parfois qu’ils ne l’ont jamais quittée, qu’ils ont gardé leur « âme d’enfant ». Les poètes en seraient ainsi que beaucoup d’artistes.
Bien sûr, j’ai connu quelques répits, des instants étonnamment légers, voire insouciants, ailleurs, autre part, mais toujours comme de fragiles parenthèses avant de replonger dans la lourde et engluante atmosphère de l’appartement familial, pétrie de silence et de reproches.
Dès que je l’ai pu, je suis parti. Je n’ai d’ailleurs jamais compris d’où m’était venue la force de tourner subitement les talons pour m’aventurer dans ma propre vie. Mais je l’ai fait, sans le moindre regret. Alors si, j’ai résolument quitté mon enfance et tout ce qui l’appesantissait. Je n’en ai pas tiré plus de légèreté pour autant. Patrick Chamoiseau a raison lorsqu’il évoque « la lente sédimentation d’une croûte autour d’un état sensible qui posera toujours le principe de ce que l’on est. » Mais au moins ai-je gagné la liberté et me suis-je délesté de toute forme de nostalgie. Au prix, il est vrai, d’une longue solitude, mais on n’a rien sans rien.
En écho, ces propos d’Ariane Ascaride (Le Monde, 17 octobre 2020) :
20 ans ? « Surtout, c’est une étape de la vie où on croit qu’il faut se débarrasser de l’enfance, et on le fait avec beaucoup de douleur. Il faudrait la garder avec soi, dans la poche, jusqu’au dernier jour. »
Moi j’ai quitté jeune mon enfance, mon adolescence, pour mieux la retrouver, m’y réfugier, me régénérer, lorsque la vie se complique de trop.
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Il y a beaucoup de cas semblables. Il faut avoir le courage de partir pour s’affirmer, pour vivre tout simplement sans contraintes ni reproches. Le chemin est difficile souvent mais il faut garder espoir.
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