
Nous découpons dans le temps comme nous trancherions un gâteau pour y délimiter des unités qui rythment notre existence. Ainsi faisons-nous le temps discontinu, de seconde en seconde, en minutes, en heures, selon le battement régulier de l’horloge qui pourtant nous angoisse par son rappel obstiné. Nous retournons des sabliers pour mesurer des tranches de temps à notre convenance. Nous disposons désormais de toutes sortes de minuteries, de chronomètres qui nous procurent l’illusion de maîtriser cette substance sans matière ni durée. Nous campons sur le fuyant avec la certitude de chefs de gare.
Nous célébrons même certains basculements que nous avons inventés de toute pièce. Ainsi du passage d’une année à l’autre, qu’il a fallu retarder cette fois d’une seconde pour que 2017 démarre au bon moment. Nous organisons des fêtes pour marquer l’événement, nous suspendons le réveillon pour scander le compte à rebours afin d’être sûrs de nous embrasser à la seconde près. On croirait le lancement d’une fusée, sauf que rien ne décolle. L’instant d’après est strictement identique à l’instant d’avant. Une fois épuisées les effusions, les coupes de champagne, nous nous retrouvons alourdis d’une sorte de vide, c’est paradoxal, comme si nous nous étions excités pour rien. Quoi, c’est tout ? La nuit reste noire, personne n’a changé d’un seul coup, nous demeurons ancrés dans l’instant présent qui, lui, se moque éperdument du calendrier.
Cependant, le temps inscrit sa marque d’une façon tellement spectaculaire qu’elle nous paraît renversante. Ces festivités nous offrent l’occasion de revoir des parents ou des amis. En quelques mois, certains, parmi les plus jeunes, ont subi une métamorphose qui nous fait douter les connaître vraiment. Où est passé l’enfant aux joues rondes que nous avions quitté il y a deux ans et qui nous revient aujourd’hui, non seulement grandi démesurément, mais le visage creux, allongé, adulte ? Où sont ses yeux rieurs, si enfantins, alors qu’aujourd’hui ils nous scrutent avec une gravité intimidante ? L’embrasser encore ou déjà lui serrer la main ? Que lui est-il arrivé ?
Sur son visage, le temps a fait son ouvrage, l’air de rien comme toujours. Insensiblement, mais avec une telle efficacité. Nos mesures n’y peuvent rien : le temps agit, nous agit et nous précipite dans sa course. Une course qui se joue à chaque instant.
Belle réflexion sur le temps.
J’aime beaucoup et c’est tellement vrai.
Moi par exemple souvent le soir j’occupe le temps et je veille assez tard comme si se coucher était une perte de temps ou un moment angoissant que l’on repousse en gagnant du temps, alors que finalement une fois endormi le temps passe si vite!!
Merci pour cette belle métamorphose dans le temps.
yo
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Juste aimé l’image que renvoie le miroir façonné par le temps
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