Isoler, isoler…

Photographie : Sylvain Maresca

Pour préserver l’avenir de la planète, réduire le gaspillage d’énergie, on nous encourage à isoler nos habitations. Calfeutrer nos fenêtres, doubler les épaisseurs sous nos toits, glisser des molletons sous nos portes, changer nos chaudières, réguler notre chauffage pièce par pièce, heure par heure, porter des vêtements chauds… L’horizon idéal devient la maison autosuffisante, qui ne consomme quasiment plus d’énergie, une demeure si bien isolée qu’une simple bougie suffirait à la chauffer. On imagine ses habitants déambuler pieds nus sur leur parquet de chêne, heureux et confiants comme dans les publicités, tandis que dehors s’accumule la neige – autre forme bienvenue d’isolation. La maison est ventilée mécaniquement, l’atmosphère intérieure est réchauffée par une pompe à chaleur qui puise l’énergie nécessaire dans l’air extérieur, inépuisable réservoir, même en plein hiver. Les fenêtres demeurent closes, on n’ouvre plus la porte qu’avec parcimonie, on se suffit à soi-même.

Isolez, isolez, recommandaient-ils. Voulaient-ils dire : isolez-vous ? Lorsque nos maisons seront complètement isolées, même au cœur de la grande ville ; lorsque nous aurons rehaussé nos clôtures, nos murs d’enceinte ; lorsque nos résidences seront protégées de l’extérieur par des vigiles ; lorsque chacune de nos rues sera devenue une allée privée ; lorsque nous aurons multiplié les sphères de protection qui, au delà des enjeux énergétiques, veilleront sur notre tranquillité ; lorsque nos frontières seront gardées par des murs réputés infranchissables ; lorsque nous aurons résolu nos problèmes d’allergie en limitant au maximum nos contacts avec les autres ; lorsque nous nous approcherons de l’auto-suffisance par la multiplication sécurisée des échange à distance ; lorsque nous serons devenus à nous-mêmes une référence entièrement individualisée, calibrée sur mesure, alors nous aurons accompli le rêve de l’isolation : l’isolement.

Par extension (quoique…) : Croisade de la peur.

Une réflexion sur “Isoler, isoler…

  1. J’ai eu le plaisir de lire un texte de l’auteur de ce blog dans une bonne revue de nouvelles : HARFANG (Angers) ; voir aussi : http://nouvellesdharfang.blogspot.fr). Je ne suis pas payée pour  » faire de la réclame  » pour qui que ce soit, mais je signale simplement ce que j’ai découvert et qui peut sans doute intéresser d’autres lecteurs et lectrices de MotifS.
    Bonne soirée.
    Adeline Vignoles

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